Odeur de transpiration… Quel enfer ! Je déteste tellement ça ! Bon dieu pourquoi est-ce que je suis obligée de prendre le métro à cette heure de pointe ? C’est belle saloperie. Il y a toujours des personnes qui puent et des individus louches, avec des mains baladeuses et des regards qui en disent bien trop long sur leurs pensées impures. Faut dire que je n'aide pas réellement avec mes robes pour éviter ce genre de regard. Pourtant, je ne porte rien de vulgaire, pas comme ces filles de bas quartier qui n'ont aucune manière et surtout aucun style. Toutes des catins de bas étages, droguées et surtout, d'une laideur. Mais là n'est point le sujet... C'est le métro... Et c’est réellement désagréables ! Dire que je suis obligée de rentrer là dedans pour voir passer plusieurs station avant d’arriver chez moi.

L’annonce vocale est faite, je ne peux plus faire marche arrière. En fait, si mais, j’ai pas particulièrement envie de marcher avec cette pluie. Je risquerais d’être trempée déjà rien qu’en marchant de la station la plus proche de mon appartement à chez moi. Donc, non, je n’ai clairement pas le choix. Je savais que j’aurais dû prendre mon parapluie ce matin. Enfin, soit.

Les portes s’ouvrent devant moi. Il y a déjà tellement de monde. Je sens déjà venir les corps collés les uns aux autres et je sens que je finir trempée également à cause de ceux qui le sont.Vite m’éloigner des portes et me mettre dans un coin, c’est le meilleur plan pour ne pas être collé à tous ses manants puant. Ou du moins, minimiser tout cela.

Je bouscule alors un peu les gens, regard froid pour faire comprendre que non, je ne vais pas me faire chier à dire pardon toutes les trente secondes pour pouvoir passer.

Sauf que j’aurais dû.

Oui, j’aurais dû car je sens finalement une main venir se poser sur mon dos, juste au dessus de mon sac de cours pour me pousser, non pas sans violence. Je grimace alors, tout en tentant de ne pas tomber en me prenant les pieds dans d’autres personnes et surtout ne pas faire une sorte de jeu de domino humains. Sauf que je ne suis pas un chat et que je ne retombe pas toujours sur mes pattes.

Là, dans le cas présent, c’est sur la tête. Ou presque. Un Boom bien symbolique de ma tête blonde bien coiffée avec la capuche d’un homme. “Aie...” Marmonnais-je alors en portant mes mains à mon front au moment même où le métro démarre… Petit basculement en arrière. Vais-je encore me cogner à quelqu’un d’autre ?

D’un bond vif, j’esquivais une flaque d’eau se trouvant sur le chemin de Station Liberty pour éviter de salir les chaussures que j’avais achetées il y a quelques semaines de cela. Ma course était principalement la conséquence d’un retard pris en fin de séminaire éducatif. A vrai dire, c’est désormais une routine : je quitte l’établissement où je travaille plus tard que tout le monde. C’est simplement une… préférence personnelle. Vous savez ce que c’est, chacun travaille mieux à un certain moment de la journée. Moi, c’est en soirée que je suis le plus productif.

- Pardon, sorry, excusez-moi, désolé ! lançais-je tout en voguant de gauche à droite pour éviter toute collision avec l’amas de personnes qui souhaitent prendre le métro à cette heure-ci.

Il était déjà là. Merde. Je redoublais de courage et sautais carrément du haut de l’escalier pour atterrir plus rapidement et lâcher mon épaule droite pour tourner à toute allure. Les portes se refermaient au même moment que je traversais - de profil - le seuil d’entrée du métro.

D’un pas aussi hâtif et décidé, je plongeais plus profondément vers l’avant-dernier secteur. En raison de l’agencement de certaines stations, c’était la moins bondée et donc celle que je préférais. Là-bas, j’allais enfin pouvoir profiter d’un peu de tranquillité et d’isolement.

Peut-être pas.

Une jeune femme était la cible de quelques regards indiscrets et les secousses et les pertes d’équilibres représentaient des occasions parfaites pour qu’elle soit abordée, mais surtout pelotée. Elle finit par joliment se vautrer, terminant sur un mec qui avait l’air de tout sauf d’un gentleman.

- Oulà ma petite Grace, fais plus attention !

Je venais de la réceptionner pour l’emporter un peu plus loin, feignant la connaître et, plus précisément, sortir avec. Une fois un peu plus éloignée, j’enfonçais davantage ma tête dans ma capuche et me séparait d’elle.

- C’était un peu soudain mais vous risquiez de devoir gérer un vieux pervers. J’ai assez fréquenté cet endroit pour savoir identifier la tête d’un type qui veut tenter quelque chose. Enfin, bref ! Bonne soirée.

Sans plus de formalité, je plongeais mes mains dans les poches et détournais la tête pour cacher l'entièreté de ma peau noire-ombre. Normalement, je ne parlais à personne depuis quelque temps, elle a donc dû sentir un peu de nervosité. Mais bon, je ne suis encore pas habitué à… tous ces changements.

Non mais ? Pour qui il se prend ? M’appeler Grace et venir comme cela à mon secours ? Il a cru quoi, que j’étais une demoiselle en détresse ? Certes, je suis une demoiselle, mais absolument pas en détresse, je suis assez grande pour me débrouiller toute seule ! Ça doit encore être un de ses mecs qui se prend pour un preux chevalier, ou pour correspondre au contexte de ses dernières années, un héro. Raaah la loose !

Je souris aimablement, mon regard cherchant à croiser le sien alors qu’il garde tête baissée. “Merci beaucoup Georges.” dis-je alors pour continuer sa petite scène, néanmoins, bien décidé à savoir réellement le nom de cet homme parce que j’ai prit le premier prénom moche que j’ai trouvé. Georges, comme l’un des frères Weasley, j’aurais peut-être du l'appeler Ron ou pire Ronald, mais là, ça aurait trop fait pub pour mcdonald. La mal-bouffe, les pouilleux. Non, impossible que je fasse une référence à cela ! Oh mon dieu, plutôt me savonner la langue que de remanger un jour dans ce fast-food.

Ainsi après l’avoir suivie, toujours proche de lui, mais un peu plus éloigné des malandrins, je continue de lui adresser mon faux-sourire. Et dans une voix assez basse pour ne pas être entendu des autres et créé un semblant d'intimité malgré le monde qui nous entoure, je prends la parole. “Je m’appelle Evy et toi?” Dans le style fille un peu trop sociable et peut-être un peu cruche qui veut faire connaissance avec son sauveur afin de pouvoir le remercier et peut-être plus tard commencer une grande histoire d’amour qui finira par un ‘ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant.’ Ou pas, c’est tellement pas possible ! Non, mais vous avez vu son style ? Un mec totalement caché, il doit être horrible, peut-être un Quasimodo, sans la difformité, parce que de mon point de vue, je ne vois aucune bosse dans son dos, mais vu comment il se cache… Bon dieu, si ça se trouve, c’est l’homme le plus moche de cette ram de métro et je lui dois quelque chose. L’angoisse. Pire, l’enfer !

“Sinon, oui, j’ai hélas l’habitude des personnes comme ça… Ce n’est pas que dans le métro qu’on les rencontres, ils sont partout.” Soufflais-je alors en tentant réellement de jouer la fille sympathique avec lui, peut-être un peu par pitié alors même que je suis en plein dégoût en tentant d’imaginer sa tête et son corps hideux, sans même savoir qu’il est juste un homme-ombre. J’ai trop d’imagination que voulez-vous ! Je devrais peut-être profiter du prochain arrêt pour le pousser un peu et me coller à lui pour avoir une chance de voir son visage… Mais me coller à lui alors qu’il est possiblement moche… Non, je peux pas faire ça… Et pourtant, ça ferait taire mon imagination ! Allez un peu de courage !

Sans une once d’hésitation, je venais sûrement de faire une grosse erreur. C’est le comble quand même, pour un gars comme moi, de me mettre volontairement sous le feu des projecteurs et d’attirer l’attention - ne serait-ce qu’un peu ! En faisant ça, il était certain que j’allais soit attirer l’attention d’un pervers qui aimait cogner, soit de celle que je souhaitais aider.

Chaque mètre que parcourait le métronium représentait un pas que j’effectuais pour m’éloigner de cette fille, “Evy”. Elle ne pouvait pas se contenter d’un vulgaire “merci”, en me jetant éventuellement une pique parce que j’ai osé l’aider alors qu’elle en avait sûrement pas besoin ? Visiblement non.

- Je ne m’appelle en tout cas pas George. Sérieusement, c’est tout ce que tu as pu trouver ? J’en connais pas beaucoup qui portent ce nom, dans le coin.

Le timbre était amical, la voix douce - quoique hésitante. Je n’avais plus l’habitude de parler à des inconnus.

Dans l’impossibilité de simplement couper court à la conversation, je m’efforçais de répondre. De manière brève, pour éviter qu’elle ne puisse poursuivre. Cependant, c’était le scénario initial. En effet, lorsque l’on est contraint de vivre dans la solitude, avoir un moment comme celui-ci, même s’il est insignifiant, représente une petite lumière dans l’obscurité.

- Millenium City est un carrefour de tout ce qu’il y a de mieux… et de pire. Ces gens qu’on considère héros, comme ceux qu’on juge vilains, pour ne citer qu’eux. Mais traditionnellement, le métro est un endroit qu’ils aiment bien.

Je la sentais s’approcher, pour une raison que j’ignorais. Encore davantage lorsque le métro ralentissait pour la prochaine station. Fort heureusement, c’était l’un des arrêts principaux, qui allait donc voir une grande partie des gens sortir. Mais pas elle, visiblement.

- Ah, je m'appelle Jarod, d'ailleurs. J'avais zappé l'info. Je suis professeur. Plus maintenant, à vrai dire, mais je travaille toujours à l’université.

La foule affluait vers la sortie, nous libérant finalement d’une grande partie du wagon dans lequel nous étions. Pour marquer une relative distance, je m’accrochais à l’une des poignées qui pendait au-dessus de nos têtes. Ca me permettait d’ailleurs de bloquer un peu plus ma capuche. Pour ma main, je l’avais simplement enfoncer dans ma manche. Discret et efficace. J’avais l’habitude, maintenant.

- Et toi ? Tu travailles où ? Je peux me tromper, mais j'ai eu l'impression que c'était loin d'être ton endroit préféré, encore plus à cette heure-ci.

Et il me reproche le prénom dont je l’ai affublé. Je soupire alors un peu. J’ai rien dit sur Grace, mais franchement, il aurait pu trouver autre chose ! Vraiment, parce que c’est trop français, trop peu commun ici aux Etats-Unis également. J’en connais même pas une seule. “Je connais bien plus de Georges que de Grace pour ma part.” Lui répondis-je alors pour lui faire comprendre son erreur également. Grace n’est pas répandu ici, ou alors pas à ma connaissance. M’enfin, mon but n’était absolument pas de me prendre la tête avec lui, surtout que je lui dois d’être tranquille maintenant. Alors non, si j’ai évité les pervers, j’aimerais éviter la mauvaise ambiance, et ce même si je ne fais que continuer à jouer un rôle comme toujours.

Me questionnant alors sur son identité et surtout sur sa beauté physique, que je pense limite inexistante à cause de sa façon d’agir et de se cacher aussi bien le visage que le reste de son corps, tel que ses mains. D’ailleurs, il ne daigne même pas se présenter. Cela ne fait que travailler encore plus mon imagination débordante. Il doit avoir peur que je puisse le chercher sur les réseaux sociaux, si bien entendu, il y est. Mais de nos jours, c’est presque impossible de tomber sur une personne qui ne se trouve sur aucun site que cela soit de rencontre, de discussion, etc. Internet est au centre de la vie de tous. Un beau moyen aussi d’avoir des dossiers compromettant si on ne fait pas trop attention à ce que l’on fait dessus, mais aussi à qui on fréquente. Une photo dégradante est si facilement prise.

“Si ce n’était que le métro qu’ils aimaient bien, on serait sauvé, sauf que c’est très loin d’être le cas. C’est juste comme un lieu de rassembler plutôt.” Si seulement il savait que j’étais dans ceux que l’on qualifie de vilains. J’ai déjà joué les pickpockets par le passé, avec mes amies à Miami, ici, je ne me rabaisse plus à ce niveau. C’était mes débuts, maintenant, je vise plus haut, plus compliqué.

Maintenant proche de lui, la rame de métro arrêté, je relève un peu la tête, profitant de ma taille inférieure à la sienne pour tenter d'apercevoir son visage. Sauf que je ne discernes aucun trait, juste du sombre, du noir. Je n’ai pas réellement le temps de me questionner plus, car il prend la parole pour enfin me donner son prénom. Jarod. Cherche-t-il a attirer mon attention sur autre chose ? Fort possiblement. Je ne dis rien et m’écarte un peu de lui, ayant maintenant plus de place. Cet arrêt est visiblement l’un des plus importants pour la plupart des personnes.

Il me questionne alors sur ma profession et je ris un peu, parce qu’il semble bien décidé à m’éviter de poser des questions sur ce que je penses avoir entraperçu, mais je suis têtue. “Je suis encore bien loin de travailler. Je suis étudiante en sociologie. On a parfois des cours qui finissent un peu plus tard, surtout les travaux pratiques. Mais oui, j’aurais aimé éviter de prendre le métro, en général, je rentre à pieds, mais avec ce temps, j’avais pas envie de marcher. Et vous, vous enseignez quoi ? Pourquoi vous ne le faites plus et surtout, vous faites quoi du coup ?” Il est normal qu’une étudiante en sociologie pose autant de question non ? Après tout, cette matière est réputé pour être remplie de personnes curieuses et désireuses d’apprentissages, enfin, il me semble. Personnellement, je l’ai choisis car c’est l’une des branches qui a un bon potentiel d’avenir avec les changements liés aux alters, mais surtout, qui imaginerait une personne soucieuse d’autrui et du monde être en réalité lié aux vilains ?

Ma nuque se courba encore plus vers le sol. Il n’était pas question de cachotterie, cette fois-ci, mais de persévérance. Elle ne lâchait pas l’affaire, et en plus de ça, elle posait des questions personnelles et trop précises. Toujours pareil, avec ces petits curieux de sociologie. Quand j’étais étudiant, c’était déjà le cas et même en tant que professeur, ça m’arrivait d’avoir affaire à eux.

- Je suis professeur en sport, principalement. Mais j’ai remplacé mes collègues à de nombreuses reprises en géographie, pour lequel j’ai aussi mon diplôme.

Silencieusement, je lâchais un léger soupir d’angoisse et à la fois de satisfaction. Qu’est-ce que ça faisait longtemps, un simple discussion ! Depuis mon altération, j’avais eu l’occasion de parler pour diverses raisons, que ce soit pour un séminaire, pour une conférence ou pour une réunion avec un élève, un parent ou les deux. Mais dans le métro, comme ça ? Non…

- Oh euh, disons que j’ai eu quelques problèmes. Des.. blessures, notamment ! C’est assez handicapant, quand on est professeur du sport, n’est-ce pas ? Par la suite, j’ai simplement décidé d’arrêter et d’être plus interne à l’éducation. Je travaille toujours là-bas, mais je n’ai pas à gérer ces petits problèmes !

Pas mal. Pas excellent mais c’est un mensonge qui tient la route, je crois. Un peu de nervosité avait filtré, comme une pointe d’hésitation. Elle ne devrait pas ressentir la moindre de ces choses, néanmoins.

Après, je ne la juge principalement qu’à la voix. Je l’ai vu lors que j’ai dû l’aider, mais dans les détails, je n’ai qu’une image très flou en tête. Pour cacher efficacement mon visage, je n’ai d’autre choix que de m’enfoncer dans ma capuche d’une part, et de regarder ailleurs d’autre part. Or, l’apparence était parfois un bon moyen de juger quelqu’un. En complément, uniquement, car sinon, c’est une grossière erreur.

- En ce qui te concerne, qu’est-ce qui t’intéresse en sociologie ? Ces dernières années, je crois savoir qu’il y a eu beaucoup de changements, surtout à cause de l’arrivée des altérés. Tu comptes déboucher sur quoi, ensuite ? Tu as des envies futures ?

J'osais un rapide regard vers elle puis déchantais aussitôt. Quel con. J'ai failli oublié que mes yeux sont aussi visible que le nez au milieu de la figure. Bon, j'veux dire, pour les gens normaux. Mon nez n'est plus qu'une petite bosse très discrète, maintenant. Presque invisible.

Professeur de sport et de géographie ? C’est quelque chose de peu commun, deux matières qui n’ont absolument rien à voir. Je me demande même si il ne se moquerait pas de moi en me disant peut-être deux matières au hasard. Je me permets alors de le détailler un peu plus, détaillant ce corps, cherchant à voir cette possible musculature sous ses vêtements si peu saillant. Un manque de goûts bien apparent en soi, mais qui ne me permet aucunement d’affirmer ou non ses dires. C’est véritablement problématique. En soit, il n’y a vraiment rien qui permet de juger son apparence réelle hormis ces vêtements,mais ça, ça fait pas forcément l’homme. Bien que ça y contribue réellement. On peut facilement avoir une idée de ses origines, de ses goûts, et surtout de sa richesse. Bon dans le cas présent, sachant qu’il est professeur, il est de la classe moyenne, bien loin de moi en sommes.

J’arque un sourcil alors à son explication quand au pourquoi il n’enseigne plus. C’est absolument pas crédible, mais alors là pas du tout. “Cherchez-vous à me faire croire que vous êtes le seul et unique professeur de sport qui pratiquait le sport avec ses élèves ? Parce que de toute ma scolarité, je n’ai jamais vu, ni même entendu parlé d’un professeur de sport qui faisait du sport avec les élèves. Puis vous le dites vous-même vous avez aussi votre diplôme en géographie, pourquoi ne pas vous contenter uniquement d’enseigner cette matière moins sportive si votre santé ne vous permet plus de faire du sport ?” Non, mais si je fais des études, c’est que je ne suis pas une idée. Faut pas me prendre pour plus stupide que je ne suis hein. Il a cru quoi ? Que j’allais gobé une connerie aussi grosse ? Je ne suis pas née de la dernière pluie !

Le sujet revient ensuite à moi, et à la façon dont j’envisage mon avenir. Si seulement il savait. Mais bon, comme tout le monde, il croit en cette facette de fille de bonne famille pas si méchante que ça malgré son apparence. “Je pense travailler pour le gouvernement, avec les changements de notre société actuelle et tout les questionnements sur les différences entre altérés et non-altérés, la sociologie est en pleine essort. Après tout, nous avons de nouveaux sujets d’études. Et…”

J’allais continuer de parler, mais me stoppe net. Si pour le moment, j’avais une magnifique vue sur sa capuche, c’est autre chose que j’eu l’opportunité de voir. Une chose qui me laissa soudainement sans voix. Non pas par peur, mais par confusion. J’avais donc réellement bien vu tout à l’heure ? Je le fixe donc, sans mot-dire, mes pensées allant bon train.

Peu de temps s’est écoulé depuis l’obtention de mes diplômes et la fin de mon cursus universitaire. Ce n’est donc pas une réelle surprise de voir qu’une élève de sociologie soit aussi prompte à déceler l’illusion du réelle. Je n’étais pas non plus très bon menteur, même si je travaille ça - cela devient une obligation vu la conjoncture actuelle.

Cependant, je ne comptais pas lâcher le morceau. Elle n’avait pour l’heure aucune garantie du mensonge, seulement des doutes et des suppositions. C’était également son travail au quotidien : observer, étudier, analyser, constater.

- A t’entendre, tu es vraisemblablement tombé sur des professeurs de sport qui ont choisi leur métier par défaut, par dépit ou pour un intérêt quelconque plus que par passion. Ce n’est pas mon cas. J’aime le sport. J’aime bouger. J’aime partir en camp de sport et en randonnée. J’aime planifier des sorties kayak. Je laissais place à un silence personnellement douloureux. Enfin, les planifications, ce n’est malheureusement plus d’actualité. hah.

Cette fois, je baissais et détournais la tête pour des raisons qui m’étaient plus intimes. Ce lent mouvement d’évasion était synonyme de déception et de tristesse. Dans mon cas, c’était réellement une passion, l’enseignement. Ma reconversion dans l’éducation n’est qu’un lot de consolation.

Par contre, il y avait un peu plus délicat à gérer. Que pourrais-je bien rétorquer quant à mon choix de ne plus enseigner la géographie ? … mystère. En fait, je n’allais pas y répondre. Avec un peu de chance, elle passerait à côté de ce détail. Il faut dire que j’ai parlé un bon moment, quand j’ai abordé le côté sportif.

- Le gouvernement, c’est toujours un bon choix. Tu ne peux que difficilement te tromper quand tu envisages d’intégrer une aussi grande institution. Je remarque que la question des altérés te tient à coeur. Ou en tout cas, t'intéresse tout particulièrement.

Sans la regarder, mon visage marqua une interrogation - enfin, mes yeux et mes sourcils, plutôt.

- Pourquoi ?

Serait-elle directement affectée, elle ou ses parents ? J’en ai vu, des cas d’harcèlement ou d’isolation avant que mon alter ne se déclare.

Et quoi ? Je termine pas ma phrase, sous la surprise de ce que je viens de voir. Confirmant ce que j’avais cru décerné un peu plus tôt. Il détourne la tête, sans mot dire. Aucune explication, aucune tentative de me rassurer où autre. Heureusement pour moi, c’est pas le premier homme que je vois comme cela, même si Alpha est pas totalement semblable, il y a ce côté sombre de la peau, de tout le corps même. Une mutation étrange. Je pourrais me questionner sur son pouvoir, ses capacités, mais le classer comme similaire à Alpha est bien plus simple, plus rapide.

Je secoue un peu la tête, pour remettre en place mes idées. Car oui, il est vrai que je ne m’attendais pas à trouver un cousin à Alpha en plein milieu du métro en pleine heure de pointe. Et surtout pour parler de banalités. Je l’écoute alors, tenté de continuer à faire la conversation comme si je n’avais rien vu de son physique. A me questionner si je possède également un alter. Que faire ? Mentir ? Après tout, mon alter est bien précis, il ne fonctionne que si je chante ou joue de la musique et comme c’est une chose que j’évite de faire, il est fort aisé pour moi de me faire passer pour une simple non-altérée.

“J’espère juste que j’arriverais à ne pas me fondre dans la masse des futurs sociologues qui vont débuter leurs carrières dans les années à venir. C’est une branche en pleine essort, mais cela pourrait ne pas durer, après tout, les alters sont déjà présent depuis presque dix ans. Néanmoins, je pense que ça reste un bon sujet d’étude, les moeurs vont changer, nous sommes obligés de revoir notre conceptions du monde où les hommes sont tous égaux. Tout comme revoir l’histoire quand on parle des miracles de Jésus, n’était-ce pas le tout premier altéré par exemple ? Faculté de marché sur l’eau et de changer l’eau en vin. Peut-être avait-il un alter lier à l’eau ?”

Beaucoup de questionnement. Il faut dire que le rôle de l’étudiante en sociologie, je le tiens bien. Forcée d’étudier, il est vrai que si un jour, je me calme dans mes délits et décide de mener une vie honnête, je réaliserais ce plan, tout simplement. Mais, je ne pense pas que ça soit pour tout de suite, même s’il est vrai que c’est très intéressant de chercher à répondre à toutes ses questions, mais je sais déjà que la société n’est absolument pas prête pour toute mes théories fumeuses. J'ignorais même si Jarod ne va pas mal le prendre. Peut-être est-il un chrétien invétéré comme j’en ai déjà croisé et qui considère les altérés comme des damnés. Je l’ai pensé aussi pendant un temps, à cause de mon alter qui m’enlevait ma passion et qui m’a conduit vers un tout autre chemin que celui de prodige du piano. “C’est uniquement par intérêt sociologique, j’avoue ne pas en avoir pour ma part. Il faut dire que selon une étude, il n’y a que dix pourcent de la population qui est touché. Ce qui à l’échelle de la planète fait certes beaucoup, mais ça reste une minorité, pour le moment en tout cas. Et hélas, je ne fais pas partie de cette minorité, ce qui rend mon observation moins complète, car je ne peux pas réellement comprendre le vécu des possesseurs d’alter.” J’hausse un peu les épaules. “Que diriez-vous de venir boire une tasse de thé ou de café chez moi, afin que vous me parliez de votre ressenti sur tout cela ?” Parce que je descends au prochain arrêt et que je trouve dommage de ne pas pouvoir poursuivre cette conversation et pouvoir, une nouvelle fois, tenté de comprendre les sentiments et ressentis d’autrui.

Les ombres dansaient sauvagement mais élégamment dans le métro à mesure que nous traversions les différentes stations et les nombreux points de contrôles qui se trouvaient entre celles-ci. Nous approchions de mon arrêt, qui se trouvait trois stations plus loin, pas si éloigné du terminus, d’ailleurs.

L’étudiante en sociologie faisait preuve d’autant d’assurance que de franchise en ce qui concernait ses études et son lien avec les alters. Elle en devenait presque froide et malsaine, pour être honnête. Peu importe son âge, elle semblait avoir une décision tranchée et très décidée sur une multitude de questions. Ce pourrait être un signe d’intelligence et de savoir, mais également d’entêtement et de zèle.

- Farfelue, comme théorie, mais très intéressante. Ca n’enlèverait en rien l’aspect mystique de Jésus Christ, cela dit. Il aurait eu quand même deux mille ans d’avance sur nous. Ce n’est pas une question de minorité silencieuse et cachée vu que les alters sont apparus de toute part et dans un laps de temps très court.

Dans une discrétion un peu gênée, je lâchais un petit rire qui était en réalité des soufflements de nez amusés. Même s’il avait s’agit d’un rire, il se serait rapidement estompé. Comme un androïde, elle se mit à parler étude, statistique, observation. Quelle étrange fille. C’est comme si quelque chose sonnait faux, chez elle.

Après, il fallait dire que j’étais toujours un peu anxieux de ma gaffe de toute à l’heure. Mon rythme cardiaque était toujours un peu haut. Pauvre coeur, sollicité par mon amour du sport et ma volonté de me cacher.

- Oh, euhm… ça aurait été avec plaisir mais je pense rentrer chez moi. J’ai eu beaucoup de travail dernièrement et puis, je n’aimerais pas te déranger et te prendre plus de temps.

De toute façon, de quel ressentie parlait-elle ? Par réflexe, j’ai répondu uniquement vis-à-vis de l’invitation, mais je n’ai même pas réfléchi une seconde sur ce qu’elle entendait par là. Est-ce qu’elle…? Non, je pense pas. J’ai été plutôt discret. Après, analyste comme elle est, peut-être qu’elle l’a remarqué, auquel cas elle ne semblait pas particulièrement choquée.

- Et puis, c’est aussi que le chemin pour rentrer serait long. Je n’ai vraiment pas le courage pour ça, aujourd’hui. Mais qui sait, peut-être se reverrons-nous à l’université ou ailleurs. Ce n’est pas comme si on était dans des secteurs très différents.

Le métro approchait gentiment du prochain arrêt. Les usagers commençaient à s’agglutiner vers les portes tandis que je faisais l’exact contraire, à savoir m’écraser un peu plus contre la paroi derrière moi, toujours confortablement enfoncée dans ma capuche.

- Et je ne m'inquièterais pas trop sur les observations, à ta place. Très vite, je l’espère, nous aurons enfin des lois et des institutions qui permettront de cohabiter plus facilement ensemble. Tu auras sans aucun doute plus de camarades altérés.

Il cherche à démonter ma théorie sur le Christ rapidement, et surtout sans faire trop d’effort. En même temps, je le reconnais moi-même, c’est assez tiré par les cheveux tout ça. Mais bon, c’est en partant parfois d’hypothèses totalement folle que l’on fait de grandes découvertes. “Certes, c’est vrai qu’il aurait été un précurseur réellement en avance, mais si cela se trouve, les altérés n'apparaissent pas pour la première fois. Il suffit de regarder tout au long de l’histoire de l’humanité. Les Egyptiens ont peint des humains à têtes d’animaux, cela signifie peut-être bien plus qu’une simple croyance. Ne ne savons absolument rien des origines des altérés, si cela se trouve, toutes les X temps, une gêne mue chez certaine personnes pour X ou Y raisons et cela n’a rien d’héréditaire. Dans un siècle, il n’y en aura peut-être plus. Si cela n’est pas héréditaire et ne se transmet pas comme une maladie, une fois les possesseurs morts, il ne reste rien pour prouver leurs existences, surtout avant, ou la presse et internet n’était pas aussi influent. Qui dit que la chasse aux sorcières, n’était pas une chasse aux altérés ? Nous ne pouvons pas réellement le savoir, le temps transforme les faits et les rares traces écrites peuvent avoir été lésées d’une façon où d’une autre.”

Je parle trop, expliquant un peu trop mon point de vue à cet homme que je viens pourtant de rencontrer, mais en même temps, n’est-ce pas là un sujet passionnant pour une étudiante en sociologie ?

Tournant la tête pour observer la station où l’on vient de s'arrêter et réalise dés lors que le prochain arrêt est le mien. La conversation va donc être coupée courte. Cela m’ennuie un peu, car j’avoue être bien lancé sur ce propos et cela me permet en même temps, de réviser un peu mes cours. Certes, mon professeur n’est pas aussi catégorique que moi, mais j’aime à réfléchir.

Je lui propose alors de venir boire une tasse de thé ou un café dans mon appartement. Offre qu’il décline bien trop rapidement en ignorant même le pourquoi de ma proposition. Il semble d’ailleurs encore une fois m’offrir une excuse bidon. Beaucoup de travail, alors qu’il n’enseigne plus ? J’hausse les épaules. “Si je vous le propose, c’est que cela ne me dérange aucunement. De plus, je me dois encore de vous remercier pour m’avoir porté secours tout à l’heure et quoi de mieux que de vous offrir un café ?”

Je réalise néanmoins que quoi que je pourrais dire, il ne campera sur ses positions et refusera de venir. Il me parle déjà de se recroiser sur le campus. J’ai un peu du mal à concevoir cela étant donné que monsieur semble prompt à se cacher plutôt qu’à se laisser voir. “Puis, s’il est juste question d’un trajet plus long, je peux aisément vous offrir le taxi qui vous déposera directement devant chez vous une fois notre discussion terminée.” Je lui adresse alors un léger sourire, cherchant à lui montrer que j’ai réponse à tout. Oui, je suis têtue.

“J’attends de voir cela avec impatience, mais il ne faut pas oublier que l’Homme à peur de l’inconnu et de ce qu’il ne peut maîtriser. Suffit de voir les dispositions déjà prise dans certain pays contre les Altérés. Enfin on verra.” Je m’écarte alors de lui, m’approchant des portes alors que le métro ralentit petit à petit.

“C’est le dernier moment pour changer d’avis, je descends ici.” Lançais-je alors, attendant maintenant l’arrêt total du métro pour le saluer, s’il reste sur sa décision, et partir.