C'était une longue journée qui venait de s'écrouler, et pour une raison qui m'était inconnue, une triste humeur s'était abattue sur mon morale. La fatigue des semaines que je venais de passer s'étaient accumulées, et malgré l'amour et la passion que je mettais à exercer mon métier et ma profession héroïque, certains jours étaient plus difficiles que d'autres. Faire face à la violence quotidienne, aux criminels, aux détresses et au morts parfois...Ce n'était pas toujours évident. Bien que j'avais l'habitude et que je n'avais pas pour manières de me laisser emporter par ce genre d'émotions, aujourd'hui était un jour différent. Pour quelles raisons ? Je n'étais pas capable de vous le dire. En sortant du travail, et après avoir utilisé mon alter de manière prolongée et peut-être un poil excessive, je m'étais retrouvé dans la rue avec un poil sur les épaules. Mon souffle était court, même si ce n'était pas à cause de l'effort. Ma poitrine était serrée, comme si quelqu'un d'invisible s'étais assis sur elle. Mes yeux me piquaient, les larmes venant à eux sans pour autant couler. Et pour une fois, la caresse du vent ne parvenait pas à totalement retirer ce poids qui rendait mon souffle court.

Je n'avais pas énormément d'échappatoire lorsque je sentais la mélancolie s'emparer de moi. Et la solution de facilité consistait à aller prendre un verre. Noyer sa peine et son chagrin dans cette liqueur. Boire pour oublier. Mais est-ce que j'allais me laisser aller à la facilité ? Eh bien oui, tout à fait. C'était exactement ce que j'allais faire. Mes pas me menèrent dans le quartier le moins légiférer de la Cité Millénaire. Je n'avais pas l'habitude de m'installer là-bas, de m'y promener autre chose que pour combattre le crime qui rongeait la ville. Ce jour-ci était différent. Je ne savais pas pourquoi j'avais choisi ce quartier si particulier pour aller boire un verre, mais je supposais que c'était une manière de rendre hommage à ceux qui étaient morts ici, ceux qui avaient rencontré des moments difficiles, ceux qui s'étaient perdus... Ou peut-être était-ce parce que je cherchais les problèmes ce soir ? Peut-être. Je n'en savais rien. Je choisis le premier bar que je croisai. Je ne regardai même pas l'enseigne ni le nom du bar dans lequel je venais d'entrer. Lorsque je pénétrai dans l'enceinte peu fréquentée, les têtes se tournèrent vers moi, me donnant le même regard qu'on donnerait à un enfant devant un film interdit aux moins de dix-huit ans.

-J'ai l'âge.

Un ton froid, un regard brûlant étaient les seules distinctions que je daignais leur accorder. Des sourcils se levèrent et des rictus amusés accueillirent ma déclaration, mais ils ne bronchèrent pas plus alors que je me dirigeais vers le bar. Aucun d'entre eux ne tenta de me couper le chemin. Dommage. Je ravalai ma mauvaise humeur et m'installai sur une chaise un peu à l'écart des autres, et je commandai un verre de black eristoff. Le barman, un jeune homme baraqué et rasé de près, l'archétype de ce qu'on pouvait attendre d'un barman, se présenta devant moi avec la bouteille et le verre. Malgré le fait qu'il n'y avait aucun cocktail et aucun mélange à faire, ce dernier fit faire à la bouteille plusieurs acrobaties avec une dextérité impressionnante avant de me servir. Je levai un sourcil, hésitant entre l'admiration de son art et l'incompréhension, avant d'accepter le verre qu'il me tendis par la suite et d'en humer le contenu. Je me laissai bercer par les effluves de la boisson, plongeant ensuite mon regard dans les tréfonds obscurs de ce que j'avais commandé. Après quelques instants où mon regard était plongé dans mon verre comme si ce dernier avait une histoire à me raconter, je le vidai d'un trait. Je déposai le verre bruyamment sur la table du bar avant d'en recommander un autre, similaire.