Comme à mon habitude après le travail, j'étais sur le chemin du retour pour rentrer chez moi. Mais ce soir, j'avais décidé de passer par le centre ville de cité millénaire pour faire un peu de course. J'avais plus grand chose à la maison, mais dans le même sens, paresseux comme je l'étais, je n'avais pas besoin de grand chose. Des pâtes, quelques conserves, et des steaks. C'était à priori les seules choses que j'ingurgitais de manière régulière et qui me demandaient de faire des courses. Mais comme à son habitude en début de soirée, Millenium City était bondée de gens qui sortaient du travail et qui circulaient dans le Centre-ville. Je soupirai alors que je me faufilais tranquillement entre les différentes personnes, grandement aidé par ma petite taille qui, comme pour les enfants, constituait un atout dans ce genre de situations. Tout du moins, quand il n'y avait pas des brutes qui fonçaient droits devant eux, pensant que le monde s'écarterait pour les laisser passer. Et c'était exactement ce que les gens faisaient, moi y compris. Il aurait été beaucoup trop épuisant d'en bousculer un et de devoir lui expliquer pendant de longues minutes qu'il ne bénéficiait pas d'un passage prioritaire dans la file des piétons.

J'avais mon habituel sweat-shirt et ma capuche était relevée sur ma tête pour un maximum de discrétion et d'intimité, de manière à ce que le moins de personne possible puisse me reconnaître ou tenter la conversation. Ce n'était pas le style de la plus part d'entre eux, mais certains des plus sociables d'entre eux tentaient souvent l'expérience, surtout lorsqu'ils me prenaient pour un adolescent qui s'était perdu dans les rues sombres de la ville. En ce qui concernait mes courses, elles se déroulèrent sans incidents, jusqu'à ce que je sorte d'un des super-marchés du centre-ville. Quelques instants plus tard, tous ceux qui étaient dans les environs ne purent qu'entendre l'appel à l'aide d'une femme qui venait de s'être fait volé quelque chose -probablement son sac. Alors que la foule commençait à s'agiter, on aurait pu croire à tord que ces derniers étaient en train de chercher le fautif. Cependant ces derniers étaient d'avantage en train d'essayer d'échapper à une menace qu'ils ne voyaient pas. Avec l'apparition des alters, la population avait entièrement laissé le travail à la police ou aux héros. Et je faisais parti de la seconde catégorie.

Avec un second soupir, j'abandonnai toute forme de paresse pour chercher activement le voleur en question. En analysant les mouvements de la foule, je le repérai rapidement en train de s'enfuir. Cependant, ce qui ressemblait à un civil glissa un croche-pied discret à notre charmant voleur à l'arrachée. De telle sorte que celui-ci, brillant d'une lueur bleutée, se ramassa au sol. Alors que le civil se hâtait de ramasser les affaires volées, je le vis cependant glisser quelque chose dans la poche du vilain. Je haussai un sourcil, c'était peu original. Suite à cela, la femme qui avait crié plus tôt retrouva rapidement ses effets et s'en alla sans demander son reste. Etait-ce un nouveau héros que je voyais là ? Visiblement pas. Une fois le vilain relevé, il s'en prit au civil qui releva les mains en s'en remettant aux héros pour qu'ils viennent le sauvé. Pour la troisième fois en quelques minutes, je soupirai à nouveau, et mon air blasé refit surface. J'analysai rapidement la situation. J'avais des oeufs dans mon sac, et un ballon qu'un petit garçon avait abandonné en courant. Cela ferait l'affaire.

Je pris un des oeufs, et usant subtilement de mon alter, je le propulsai en augmentant sa vitesse et la force de projection avec une petite impulsion de vent. Le vilain le reçut en plein visage, surpris par cet objet volant non identifié. Sans attendre, je pris le ballon et le lançai à son tour, en répétant le même processus. Cela donnerait l'impression que j'avais un alter de force, plutôt qu'un alter de vent. Malgré ma petite silhouette. Le ballon frappa le vilain luminescent en plein visage, et pendant ce temps, je courus vers le civil d'un air tout aussi blasé. En passant à côté de lui alors que le vilain était sonné au sol, je lui glissai d'un air las.

-Suivez-moi, mr.Le Civil.

Je le guidai ainsi à travers les ruelles. Quelqu'un avait certainement déjà appelé la police, car j'entendais les gyrophares s'approcher rapidement. L'homme brillant serait arrêté sous-peu, et j'avais gardé ma capuche sur ma tête pendant la petite course à travers les ruelles. Puis passées quelques secondes, une fois que nous fûmes seuls, je me retournai vers le civil en question. Il était roux, avait l'air aussi vieux que j'aurais dû paraître, et avait l'air tout aussi blasé que moi. Je le regardai attentivement avant de reprendre la parole, toujours blasé.

-Vous n'avez pas l'air d'un héro. Mais ce que vous avez fait était assez téméraire. Pourquoi prendre ces risques si vous n'êtes ni de la police ni un héro ?

Pendant un bref instant, j'avais perçu une hésitation de la part du civil que je venais de "sauver" avant qu'il ne finisse par m'écouter. L'instant d'une seconde, il s'était certainement demandé s'il pouvait faire confiance à ce qui ressemblait à un enfant en capuche qui lui tirait la veste pour le guider à travers des ruelles sombres. Et je ne pouvais l'en blâmer. S'il venait de se passer ce qu'il venait de se passer, et qu'un petit gars à capuche me demandait de le suivre, j'aurais réfléchis à deux fois avant de le faire. Et ma flemme m'en aurait certainement dissuader. Mais il avait fini par me suivre, et alors que nous courrions, je glissai un regard furtif vers ce dernier qui semblait réfléchir. Je décidai de ne pas interrompre ses réflexions, cela ne m'aurait rien apporté sur le moment. Une fois que nous avions parcouru une distance raisonnable, je finis par me retourner entièrement vers le rouquin et lui demandai les raisons de ses actes. Pendant un court instant, à nouveau, il hésita. Et pendant cette hésitation, je me demandai s'il avait agit de lui-même, malgré lui. Si son corps avait réagit face au danger de manière automatique. Cependant, ce qu'il répondit et la manière dont il le fit démentit rapidement mes suppositions.

Il avait parlé d'une voix neutre, mais quelque chose mettait la puce à mon instinct. Il ne semblait pas le moins du monde secoué par les évènements, et la manière dont il parlait de ce qui venait de se passer donnait l'impression qu'il avait calculé son intervention. Et je me souvins l'avoir vu faire un geste vers le vilain qu'il venait de renverser, comme s'il lui glissait quelque chose. Ce qui m'indiquait qu'à aucun moment, il n'avait vraiment eu peur. Tout du moins pas au point de fuir pour sa vie. Je l'écoutai attentivement, profitant de son discours pour l'observer à son tour. Dans son regard, au travers de son air innocent et presque blasé, je pouvais percevoir l'intelligence. Il me ressemblait sur bien des points. Ce qui me poussa à me méfier. Non pas que je pensais qu'il mentait, non. Je hochai de la tête d'un air détaché pour première réponse, avant de répondre avec ce même air que j'affichais.

-Je vois, et c'est exactement ce qui s'est passé.

Il avait évalué la situation, et était intervenu au bon moment pour se laisser quelques secondes, en espérant qu'après cela, un héro ou la police lui vienne en aide. C'était bien pensé, et dans notre société actuelle, sa stratégie avait toutes ses chances de fonctionner. Elle n'était pas sûre à cent pourcent, ce qui me faisait penser qu'il avait certainement un moyen d'échapper à la situation. Il ne ressemblait pas du tout au type à prendre trop de risques pour venir en aide à autrui. Surtout après ce qu'il venait de révéler sur son absence de réaction systématique face à ce genre de situations. Il avait certainement estimé que même si les héros n'intervenaient pas, il avait de quoi maîtriser la situation. Il l'avait peut-être pris dans ses calculs. Mais je me trompais peut-être. Sauf que la suite de son discours, une fois de plus, me fit penser que ce que je venais de penser était certainement exact. Un petit bandit ? Il y avait-il de telles choses ? Pas pour moi. Un bandit était un bandit, surtout un altéré. Un simple vol à l'étalage pouvait devenir une véritable catastrophe avec un altéré comme voleur.

-Petit bandit ? dis-je en feignant un air étonné et pensif. C'était visiblement un altéré. Vous n'aviez pas peur de ce qu'il pourrait faire ?

Nous ne savions rien sur ce petit bandit lumineux, cependant, son alter ne semblait pas être réellement problématique. Et le fait que mon interlocuteur l'ait remarqué lui aussi dans toute cette agitation me faisait dire qu'il était soit très intelligent et calme, soit très insouciant. La remarque qu'il glissa sur ce qu'il pensait être mon alter et ma réaction, une fois de plus, me fit d'avantage penser à la première solution. Puis d'un air tout aussi détaché, et après avoir écouté la réponse de mon interlocuteur, je lui répondis en avouant.

-C'est vrai qu'il n'avait pas l'air très effrayant. Mais devant un alter inconnu et une situation telle que celle-ci, une intervention surprise et toute en finesse me paraissait le plus approprié à la situation. Qui sait, il aurait pu envoyer des rayons lasers, qu'aurais-tu fait alors ?

Ce qui était tout à fait la vérité, même si cela n'avait en aucun cas rapport avec mon alter, ou la super-force dont il venait de parler. Ce rouquin m'intriguait un peu, et malgré mon envie de rentrer chez moi le plus tôt possible pour mettre mes courses au frais, j'étais curieux d'en savoir plus à son sujet.

-Par ailleurs, je m'appelle Fūten, et toi ?

Un sourire fin étira les lèvres de mon interlocuteur lorsque je parlai, et je compris qu'il avait eu à peu près les mêmes pensées que moi. Il était en train de me jauger. Et je ne pus empêcher un sourire d'étirer mes lèvres à mon tour. Cependant, celui-ci disparut pour une grimace lorsque le rouquin dénommé Alex sortit une cigarette qu'il décida d'allumer. Je détestais cette fumée et l'odeur qu'elle apportait. Je fus presque tenté d'invoquer un vent pour souffler la fumée et l'odeur qui la suivait comme j'avais l'habitude de le faire, mais j'avais fait tant d'effort pour cacher mon alter jusqu'à présent, il aurait été stupide de faire cela. Même si je savais être extrêmement subtile, au vu de la vivacité de son esprit, il n'aurait pas manqué de remarquer que la brise qui venait face à lui n'atteignait pas le moins du monde le reste de la ruelle derrière moi. Alors je jouai sur un autre aspect sur lequel j'avais plutôt l'habitude de rechigner à vrai dire. Tournant ma tête et mon col, j'exagérai un peu le mouvement de manière à paraître réellement gêné -même si je l'étais vraiment-, en mettant ma main devant mon nez un peu théâtralement.

-Vous fumez devant les enfants ? Voyons...

Cependant, l'analyse qu'il fit de la situation ne put m'empêcher de me faire tourner la tête vers lui avec un sourire. C'était une analyse si juste et si complète que je ne pus m'empêcher ce sourire un brin malicieux. Comme je le pensais, Alex était un sacré phénomène. Intelligent et très vif d'esprit, il avait parfaitement décrypter la situation. C'en était presque un peu effrayant de voir à quel point, en si peu de temps, il avait si bien analysé la situation. Il brillait, mais il n'avait fait que cela, et essentiellement pour apeurer la foule. S'il pouvait faire plus, il ne se serait certainement pas contenté de si peu. Et n'aurait pas pris autant de temps à réagir face à l'altercation d'Alex, l'aurait dézingué, et serait parti retrouvé la femme qu'il avait volé (ou aurait volé Alex directement). Cependant, la seconde partie de son discours me fit hausser un sourcil, et je repris un ton un peu dégagé pour lui répondre. Même si je n'achetais pas réellement tout ce "les cris de cette femme et ce vilain qui semblait s'échapper...". Il avait bien trop analysé la situation pour me faire croire à cela. Cependant, je me prêtai au jeu avec ce même air détaché dont j'avais l'habitude.

-Tu sembles te moquer de mourir...Je ne jugerai pas. Mais je ne suis pas fan de ce genre de pensées. Tant que tu n'emmènes personne d'autre que toi dans ton idéologie, dis-je en haussant les épaules. Et tu sembles assez réfléchis pour prendre les bonnes décisions.

Et surtout, je ne comptais pas laisser quelqu'un mourir pour la simple et bonne raison qu'il s'en fichait. Mais je doutais que mon interlocuteur se laisse faire aussi facilement. La dernière remarque qu'il me fit cependant me fit à nouveau hausser les épaules, avec un très léger sourire.

-Il ne semblait pas très alerte, comme tu l'as remarqué. Un vilain qui trébuche sur un pied d'un passant ne risque pas de remarquer des petits projectiles ni d'y réagir avant qu'il ne soit trop tard. L'oeuf était pour l'aveugler en premier lieu. Au cas où le ballon n'aurait pas réussit à le sonner suffisamment pour le mettre hors d'état de nuire.

Mais alors que je parlais, je glissai sur le rythme de la discussion la question qui me turlupinais depuis un certain temps. Je m'assis sur un petit poteau qui se trouvait sur le coin, à quelques mètres d'Alex, en regardant le ciel.

-Mais je t'ai vu faire un mouvement vers le vilain lumineux lorsqu'il a trébuché...c'est plutôt inhabituel ce geste.

La question, bien qu'elle n'était pas posée de manière directe, restait parfaitement perceptible dans la construction et l'intonation de ma voix. Une fois cette question posée, je posai à nouveau mon regard, léger, sur mon interlocuteur aux cheveux roux.