Cela faisait maintenant quelques mois que je suis arrivée dans cette ville, et bien que c'était en partie mon choix, la campagne du Texas me manque.

C'est pourquoi je suis là ce soir, à une heure plutôt tardive où la noirceur du ciel a finalement envahi Millenium City et où malgré l'heure, il reste tout de même beaucoup de monde dehors.

Comme la ferme me manque. A une heure pareil, j'aurai pu contempler les étoiles sans autres bruits que le vent soufflant à travers les brins d'herbes. Peut être même que d'autres petites créatures du genre insecte aurait chanté leur douce mélancolie pour moi ?

Mais il n'y a rien de tout cela ici. Rien que le bruit des voitures et des pas pressés sur le trottoir. Ah, et j'oubliais presque aussi ces types bourrés qui viennent de se faire éjecté d'un bar tandis que je traverse la route, totalement emmitouflé dans mon gros manteau d'hiver, une écharpe enroulée autour de mon cou jusqu'aux oreilles.

Mes pas me portent rapidement jusqu'au parc floral, seul lieu où la nature a encore quelques droits sur l’industrialisation de masse de cette ville. Cela dit, je ne pense pas qu'elle soit différentes des autres villes... C'est juste que tout ça... Ça me dépasse.

Alors j'entre dans le parc et marche un peu à l'intérieur. Jusqu'à me trouver un banc pour m'y asseoir. Car si ma présence ici peut paraître étrange, elle est motivée par un désire enfouie que je cherche à assouvir.

Cette nuit, je veux seulement pouvoir contempler un peu les étoiles et leurs lueurs si douce à mes yeux. Au lycée, la journée a été des plus longues et j'ai besoin de pouvoir me ressourcer dans leur bienveillance céleste. Car je sais qu'où que je sois, ces étoiles sont absolument les mêmes visibles depuis le Texas, depuis la ferme Thomson où je suis sûre que mes frères et sœurs contemplent eux aussi ce doux spectacle nocturne.

Dormir dehors c'est nul. Surtout en hiver. Parce que les étoiles n'ont jamais réchauffés personne.

Alors oui, aux états unis on peut trouver une multitude d'association qui viennent en aide aux pauvres types qui dorment dans la rue. Mais Ombre n'a jamais aimé se retrouver enfermé avec des gens persuadés qu'il leur doit quelque chose en échange de leur aide. Et puis il connait les associations les plus en vues, la majorités sont des groupes religieux qui n'hébergent qu'en échangent de sermons et d'un prosélytisme aussi absurde qu’assommant, et les autres sont des organismes d'état dont le premier geste en croisant un mineur est d’appeler immédiatement les flics et les services sociaux pour le renvoyer en cabane. Pour son bien évidemment...

Et comme les travaux venaient de reprendre dans l'immeuble qu'Ombre avait consciencieusement squatté ses derniers jours, il avait été obligé de reprendre ses petites affaires pour repartir errer dans les rues. Et n'ayant pas trouvé de pont pour s'abriter dessous, il avait opté pour le parc ou au moins, on avait l'assurance de ne pas être dérange pendant la nuit.

Et puis il l'avait souvent remarqué, les clochards traditionnels avaient tendance à éviter les parcs, surtout les neuf et tout propre comme celui ci. Peur de se remarquer ? Peur des éventuels gardien ? Du coup c'était d'habitude plutôt les dealers et les camés qui venaient roder en premier dans les espaces vert. Mais la encore, Millenium était trop verte pour ce genre de faunes, et le coin était parfaitement désert.

Du coup Ombre s'était choisi un banc, et venait de faire un petit tour du sous bois voisin pour pisser un coup, et ramasser assez de bois pour un feu qui devrait l’empêcher de mourir de froid au milieu du parc.

Sauf que voila, quelqu'un venait de lui voler son banc !

-Euh... Excuse moi mais... C'est mon banc...

Alors là, c'était bien ma veine. Je savais pas que les bancs de ce parc était privé... Mince alors.

- Mince, je suis vraiment désolé, je ne savais pas que... Désolé.

Rapide, je me lève presque d'un bon pour corriger mon erreur. Au USA, on ne doit pas s'amuser avec la propriété d'autrui, c'est très connue.

- Je vous le rends. Encore navrée.

Et puis, je regarde au alentours et vois un autre banc, vide aussi, non loin de là. Alors je m'en approche, mais avant de m'asseoir dessus, j'en fais bien le tour pour m'assurer qu'il n'y a aucun signe de propriété privé et une fois sûre de pouvoir m'asseoir sans offenser qui que ce soit dessus, je m'installe et retourne à ma contemplation des étoiles.

Sauf que voilà, le jeune homme qui m'a faite bouger est plutôt bruyant juste en face. Non mais que ça me dérange vraiment, disons plutôt que c'est perturbant, d'autant plus quand on essaye de "méditer" en quelques sortes. Alors mes yeux se pose sur lui qui est entrain de poser ses branches et brindilles en tas juste à côté de son fameux banc et les allument pour se faire un feu.
Bizarre quand même. Pourquoi faire un feu dans un parc floral ? S'il a froid ne peut-il tout simplement pas rentrer chez lui ?

Et c'est cette pensée qui me fait comprendre la chose. Ça et le fait qu'il est simplement entrain de s'allonger sur le banc en tentant vainement de se couvrir de son sac à dos : ce type, qui ne doit pas vraiment être plus vieux que moi, n'a juste pas de maison. Où alors pas dans cette ville...

A cette pensée, mon cœur se serre, c'est tellement triste de voir des gens devoir errer seul dans les rues à la recherche d'argent ou simplement de quoi vivre... Et c'est sans doute pour ça que sans même m'en rendre compte, mes pas me portent juste à côté de ce feu.

Je m'assoie alors devant, profitant moi aussi de cette chaleur réconfortante.

- Drôle de vie, n'est ce pas ?

Il me dévisage un instant.

- Pardon... Désolé, je vous importune encore... Je me demandais juste si vous voudriez partager mes quelques biscuits avec moi. Je comptais les grignoter seule sur ce banc mais vous m'en avez chassée et le point de vue est moins bon là bas...

Il suffit parfois d'un simple geste de bonté pour illuminée une soirée. Et illuminé des choses, ça me connait, après tout, mon alter, c'est d'être une vraie lumière...