Le tribunal était presque vide ce matin, personne n’était venu assister au procès du condamné. Enfin presque, après tout, j’y étais. L’accusé ne faisait pas tellement le malin face aux questions des avocats de la défense. Sa culpabilité ne faisait aucun doute. Les jurés se retiraient dans à l’arrière du tribunal pendant que le juge suspendait l’audience, laissant une heure aux jurés pour se décider.

Je me retirais moi aussi, observant l’accusé et son escorte. Une immondice, une verrue pour ce monde. Je m’en allais vers la machine à café afin d’y mettre quelques pièces. Je pressais sur le bouton devant me libérer un espresso, mais aucune tasse n’était relâchée et le café s’écoulait directement dans l’évacuation de la machine. Mon visage se serrait et mon poing se fermait, je donnais un léger coup contre la machine.

« Sukin sin »

Je retournais ensuite à ma place de spectateur. Attendant patiemment la lecture du jugement.

Quelques semaines plus tard
Je devais le retrouver. Il ne pouvait s’en sortir comme ça. Par chance, j’avais obtenu quelques informations sur son emploi du temps habituel et j’avais pu l’observer. Il se rendait souvent dans le même supermarché. J’avais une idée, une façon. Il me fallait juste être sûr. Je me décidais donc d’entrer dans le magasin afin de poser l’une ou l’autre question à l’un des employés, peut-être même utiliser mon soi-disant pouvoir pour obtenir ce que je voulais.

J’entrais dans le magasin dans le but de repérer l’employé idéal, mais j’allais d’abord faire le client modèle en m’achetant une bouteille de vodka. C’est sur le chemin du rayon alcool que je le/la repérait. Oui. Je m’approchais de l’individu tout en faisant craquer un peu toutes les articulations de mon corps.

« Bonjour, Mo… Bonjour. » Je marquais une légère pause. « Dmitri Andropov, j’ai quelques questions à vous poser, vous n’y voyez pas d’objection ? »

Oui, je ne donnais pas ma vraie identité, on ne sait jamais et je n’étais pas non plus inconnu à Millenium City. S’ils ne connaissaient pas mon visage, ils connaissaient peut-être mon nom.

« Si ça ne vous dérange pas, pourrions-nous nous retirer, mes questions sont… confidentielles. »

Je sortais un bout d’un ancien mandat, laissant bien apparaître le sceau de la Justice de Millenium City.

L'incident des boites de petits pois n'était pas passé très bien auprès du responsable du magasin. Mais comme d'habitude, il lui laissait passer toutes ses conneries sans la virer, pour une raison obscure. Elle devait lui faire penser à un de ses petits enfants ou un truc dans le genre. Peuh ! Comme si quelqu'un lui ressemblait.

Bref, elle avait gardé son taff mais elle avait quand même reçu une sanction : une quinzaine d'heures supp non payées, bien sûr. Et même si elle n'avait rien de plus intéressant à faire, c'était quand même chiant à mourir. Après avoir classé les bouteilles du rayon alcool par ordre alphabétique, elle s'était mise à les ranger par couleur. C'était même étrange qu'elle n'ait pas eu cette idée avant, parce que l'arc-en-ciel de bouteilles était vraiment ravissant.

Mais depuis cinq minutes, elle était face à un dilemme : la quelle des deux bouteilles qu'elle avait dans les mains était la plus rouge foncée ? La bouteille de droite était plus foncée dans sa main, mais la bouteille de gauche semblait plus foncée dans le rayon. Et à chaque fois qu'elle croyait prendre une décision, c'était l'autre solution qui semblait la plus évidente.

Mais sa réflexion intensive fut interrompue par les pas d'un client qui s'approchait en faisant des grincements chelous. Elle espérait qu'il faisait que passer mais non, bien évidemment il venait lui parler. Et pour lui poser des questions en plus ? Ha !

« - Les crèmes pour les rhumatismes sont avec la pharmacie allée 7, les plateaux télé allée 13 et les litières pour chat allée 25. » dit-elle sans même regarder à qui appartenait cette voix grave.

C'était toujours les mêmes questions qui revenaient par le même genre de personne alors à force, elle avait l'habitude. C'était soit ça soit le classique "y'a quoi dans ta culotte ?" de beauf. Mais là elle était vraiment pas d'humeur pour répondre aux cons, et elle était déjà en sursis donc c'était vraiment pas le moment. Mais malgré ça, l'homme insista. Parce qu'en plus, il espérait l'attirer dans un endroit sombre et isolé ?! Les tarés devenaient de plus en plus confiants.

Soupirant, elle leva enfin la tête vers l'homme et... elle dut lever la tête super haut, parce que le mec était un vrai géant. Et pas le genre de monstre déformé à cause d'un sale Alter. Le genre même... sexy, avec sa cicatrice sur le visage et son allure de mafioso. Encore un mafieux dans le magasin ? C'était à se demander si le vieux traînait pas dans des affaires bizarres. Elle avait pas retenu son nom, mais elle voyait bien le tampon qu'il lui agitait sous les yeux.

Oh et après tout, pourquoi pas ? C'était toujours mieux que de trier des bouteilles d'alcool bon marché. Prenant sa voix la plus aguichante et battant des cils, elle posa sa main sur le bras de l'homme.

« - Ohh Monsieur-du-Gouvernement, est-ce que je vais avoir des problèmes ? Vous cherchez des vilaines filles, huh ? »