"Docteur, vous m'avez écouté oui ou non ? Ca fait depuis longtemps qu'on attend une réponse de votre part. Entre nous, vous n'avez pas d'autres choix de toute manière..."

Dans cette clinique, la voix courroucée d'un médecin résonna de plein fouet. S'il avait eu des patients dans les couloirs, alors ces derniers auraient pu entendre toute la négation émanant de sa voix.

"Jamais !"

Un "Jamais" à écrire dans les annales. M. Gold avait toujours cédé, jusque-là. Après tout, qui aurait bien pu tenir tête à l'un des pions de la Mafia sans risquer sa vie et sa carrière toute entière ? Tous. Même lui. Mais pas cette fois-ci. Les sourcils froncés, M. Gold se faisait désormais la promesse solennelle de ne plus courber l'échine à la première seconde et face à cet homme au long manteau décontracté, il fallait bien du courage pour refuser pareille négociation. Tout comme sa carrière, il avait vendu depuis longtemps son âme au diable : il lui était d'ores et déjà impossible de faire machine arrière. Théoriquement, tout du moins. Si ce médecin s'était construit grâce aux machinations des Castelo, ses valeurs ne cédaient que rarement quand il s'agissait du bien-être de ses patients...

"Pardon ? Ca ne vous convient pas ?"

Cet homme en manteau souffla sans perdre un sourire digne d'un banquier. Son regard ne sembla pas avoir oscillé non plus. Tout en croisant les bras, Isaac attendit patiemment les explications de son vis-à-vis. La situation l'amusait tant et si bien qu'il préparait déjà mentalement ses arguments. Quand il passait du col blanc au grand frère, il devenait un autre homme...

"Vous...Vous êtes un malade ! Je suis sûr que c'est faux !"

L'entrepreneur se permit de rire avec légèreté, déboussolant le pauvre homme qui s'énervait, visiblement, tout seul...

"Mais non, mais non...Et puis, entre nous deux, je pense que je peux affirmer haut et fort que le médecin qui veut faire crever son patient est le réel malade." Isaac stoppa ses mots, réfléchit à son prochain discours pour faire passer son idée en "douceur". C'était un fait bien connu : le jeune homme n'aimait pas la violence innée car c'était, selon ses propres valeurs, synonyme de travail bâclé. Un peu comme celui de Lawrence par endroit finalement, s'il y réfléchissait bien...Quand l'homme du feu effaçait les preuves et les corps, The Dude les laissait derrière lui. Et, tel un italien pur sang, sa gestuelle entama les premières démarches de conviction..."Je vous l'affirme : bien des chercheurs pensent que la Delikate est l'AVENIR de la médecine : elle permettrait de ranimer une partie des fonctions du cerveau. Qu'on ait réussi à s'en procurer est déjà un miracle en soi ! Et dire que ça sortait d'une idée sans fondement scientifique, il y a forcément un trou du cul suffisamment savant pour réaliser les souhaits des gens. Mais dans tous les cas : vous allez être le premier à le tester en clinique ! Et c'est moi qui ait soumis l'idée à la famille ! C'est génial vous ne trouvez pas ?"

-C'est mon patient, je n'injecterai rien sans son accord!"

L'homme termina par soupirer, dépité. Navré de voir un tel homme se borner sur son échec. Navré d'en venir, bientôt, aux poings et aux mots qui fâchent. Un blanc. Il se voyait déjà roupiller devant son écran, étalé sur son canapé...

Dans un râle accompagné d'une pointe d'impatience, il reprit les propos du médecin afin de le faire complètement vaciller.

"Vous l'avez dit vous même : "les choses traînent bien trop longtemps pour établir un diagnostic positif", si je me souviens bien. Il est dans le coma et n'a aucune chance d'être rétabli autrement que par la Delikate. "
-...Vous le faites uniquement pour l'argent !", s'exclama alors M. Gold, plus tout à fait certain des arguments qu'il avançait...

Voilà un argument qui fâche. Recroisant les bras, le Mafioso continua de plus bel à bloquer la porte de sortie, sa silhouette se dressant de toute sa hauteur face au quarantenaire, père de famille. Vraiment ? Etait-ce réellement quelque chose à avancer devant lui ? Etait-ce convaincant ? Non. C'était stupide, aussi stupide que ce qu'il répondrait car, en réalité et dans cette famille, il n'y avait bien que lui qui n'était pas réellement accro à la monnaie en elle-même.

"L'argent ? Oh, c'est utile, certes, mais ce n'est pas l'argent qui fait mon bonheur ni le votre, tout comme le moyen ne permet pas de condamner la fin. J'en suis persuadé. Pensez donc au plus important, M. Gold. Vous sauvez une vie, et je rends une famille heureuse de mon côté. Vous vous prenez trop la tête..."
- Mais ce n'est pas éthique, vous voulez lui injecter ce poison ! Qui sait quel effet secondaire ça pourrait avoir pour cet homme-"

Une sonnerie le coupa net dans son élan, résonnant au fond d'un sac. La main d'Isaac alla alors s'emparer du portable qui vibrait sur la table afin d'en inspecter le numéro. Il préférait encore vérifier son répondeur plutôt que de s'attarder sur un futur homme mort, impossible à résonner... Lorsque ses prunelles bleutées fixèrent l'écran, le négociateur s'était dit qu'il avait une chance de cocu. Un fin sourire dévora le visage toujours aussi confiant et détendu d'Isaac qui, sans crier gare, tendit une main en direction de l'homme...

"Oh, je crois que c'est pour vous. Votre fille."

D'une main tremblante, le médecin chirurgien saisit le portable précipitamment et la colla contre son oreille. La voix d'une fillette se fit entendre, guillerette si ce n'était aux anges...

"Papa ? Oh c'est trooop bien, les messieurs dans une limousine ils sont gentils, ils me gâtent tellement !
- Ma chérie...Tu n'es p-pas à la maison ? Tu vas bien ?
-  Oh oui, la femme en costard m'a acheté une glace italienne et on s'est promené dans un énorme parc animalier !
- T-très bien ma puce...rentre tranquillement à la maison dès que...Dès qu'ils te ramèneront."

M. Gold raccrocha à contrecœur, tandis que l'aîné veilla désormais à envoyer un dernier message à il ne savait qui sur ce portable nouvellement retrouvé. Après quelques secondes d'attente, irritante et insupportable, Isaac termina par briser le silence qui enfonça ce pauvre père de famille dans des doutes jusque-là inexplorées...

"Bref, elle ira bien et gardera un bon souvenir de son petit voyage avec nos hommes si vous dîtes oui. Sinon...Bah...'fin , vous devinez....
-...Vous êtes vraiment un sale con !
- Bah, c'est vous qui le dîtes..."

Las de toutes ces histoires, peu enjoué dans ces affaires sans négociation aucune, Isaac saisit une cigarette qu'il colla à ses lèvres avant de l'allumer d'une autre main qui détenait son précieux zippo.

"Mais bordel, faites-vous une bonne conscience. Et osez un peu ! Votre patient est condamné au coma si on ne fait rien, quand bien même le vaccin n'a pas fait ses preuves, on a besoin de lui et de croire en nos chances. C'est un précieux "ami". Ses enfants l'attendent. Et entre nous, je vous garantie qu'il ne se passera rien. Détendez-vous, si ça vient de moi, il n'y aura aucun procès à votre encontre, ni même de faute médicale parce que ça restera entre nous. Voilà, donc bougez votre cul." Blême, le médecin s'exécuta derechef. "Bien."

Sur ces mots, Isaac s'en alla. Minute après minute, il chemina de rues en rues, dans ses pensées. Quelques minutes plus tard, arrivé sur le pas d'une porte de magasin, il sortit de nouveau son smartphone et pianota dessus avant de le dresser à hauteur des oreilles. A l'autre bout du fil, la femme qui accompagnait la fille de M. Gold venait de décrocher.

"Bon, j'espère que vous avez choyé cette gamine ?, s'inquiéta-t-il une fois à la sortie de l'immeuble.
- Ouais, on a fait tout comme t'as dit : lui accorder la meilleure balade qu'elle ait pu avoir. Dites-moi, ça ne te dérange pas de passer pour un gros con qui menace les enfants ?
- Bah non. C'était du bluff, je ne ferais pas de mal à une pauvre gamine. Je veux dire, je lui ai accordé un p'tit tour sympa de la ville tout de même... tu me vois vraiment comme ça ?
- Ahaha, j'ai cru pendant un moment que t'étais sérieux avec tes menaces Isaac et ça m'aurait surpris de ta part
- Ta gueule.
- Rho, je te charrie un peu...Tu rentres, là du coup ?
-,Non, je dois aller chercher des Cookies au chocolat blanc et aux framboises pour Gierna, sinon elle va me faire la gueule....

Et alors, il ne pourra pas roupiller sur son canapé en toute tranquillité.

Isaac Castelo, négociateur et homme de main : Intelligent - Curieux - Laxiste - Bluffeur - Esprit libre - Amical mais froid à la fois - Parieur - Idéaliste - Perfectionniste - Aime les jolies choses - Taquine souvent Lawrence en le traitant d'incompétent - Adore sa sœur, qu'il gâte certainement trop - Aime les théories relatives à l'argent et au short selling, de près ou de loin (et plus elles sont compliquées mieux c'est) - Mais aime moins l'argent en lui-même